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MALI: doit on précipiter les élections pour plaire  à la CEDEAO?

 

La transition au Mali ne peut être datée en fonction des humeurs de la CEDEAO de la France. Ce qu’il faudrait faire préalablement, c’est mener une évaluation approfondie des institutions de l’état Malien, de la situation sécuritaire et des textes électoraux.
A supposé qu’un coup d’état se déroule dans n’importe quel autre pays de la CEDEAO qui n’est pas victime du terrorisme comme le Mali, qui n’a pas plus de la moitié de son territoire sous occupation des groupes armés, qui n’a pas connu un soulèvent populaire exigeant le départ du gouvernent qui se revendiquait pourtant élu démocratiquement, le délai d’une transition peut être court et les élections peuvent être organisées dans l’immédiat.
Dans le contexte Malien, il y a plusieurs conditions à remplir avant d’appeler à des élections à savoir:
1- Des réformes institutionnelles et constitutionnelles pour renforcer les appareils étatiques et ceci implique la réforme de la cour constitutionnelle.
2- Libérer une bonne partie du territoire national afin de faire un recensement inclusif considérant que des centaines de milliers de personnes sont déplacées et ceci, pour créer une liste électorale juste.
3- Mettre sur pied une commission électorale capable d’organiser ces élections sans ingérence de l’armée ou influence des partis politiques.
4- Réviser le code électoral pour assurer des élections transparentes.
5- Réformer les forces de défenses et de sécurité ainsi que la police et la gendarmerie nationale pour empêcher son ingérence dans le processus électoral.
Pour un pays qui est en guerre et où l’état ne contrôle que la capitale et ses environs, dire que tout ceci peut se faire en 6, 12 ou 18 mois est un leurre: nous avons vu tout l’OTAN et les États-Unis se prétendre à ce jeu en Afghanistan où des élections ont été organisées pour élire un président quand la majeure partie des populations n’ont pas pu voter et que les institutions étaient faibles: les militaires Afghans étaient les premiers à fuir suivis du président et de tout son gouvernement quand les talibans sont arrivés à leur porte et personne n’a jamais considéré la marionnette de président Afghan comme démocratiquement élu.
Une transition peut prendre deux mois voire 5 ans, voire plus . Tout dépend du contexte politique et sécuritaire et de la volonté du peuple. L’on ne peut tout simplement pas s’imposer à un peuple indéfiniment et sur ce principe je comprends la nécessité d’avoir un gouvernement choisit par le peuple et redevable au peuple. Sur cette base, nous devons en tant qu’Africains sortir de ce cercle colonial qui nous force à croire que les élections sont la seule façon de valider une démocratie. C’est cette falsification du processus démocratique qui font que des Faure Gnassingbé et Alassane Ouattara organisent des jeux de Tombola dont eux seuls ont le symbole gagnant et se font passer pour des démocrates.
Le Mali peut organiser comme à l’instar du Bénin au début des années 90 une conférence nationale souveraine au cours de laquelle les acteurs politiques ainsi que ceux de la société civile s’entendent sur les modalités de leur transition à savoir la durée, qui dirigeront cette transition et définir les priorités en terme de l’exécution de ces réformes. Ceci a été vraisemblablement fait selon l’état Malien. À présent, si on doute de la crédibilité des conditions dans lesquelles ont été tenues ces concertations nationales, on peut proposer leurs reprises et mettre les gardes fous pour assurer leur transparence.
La CEDEAO en exigeant que l’état Malien organise précipitamment des élections même si seulement 50 maliens peuvent obtenir des cartes d’électeurs avec une commission électorale et une cour constitutionnelle acquises aux intérêts d’un parti politique est plutôt celle qui œuvre contre la démocratie au Mali.
À ceux qui disent qu’une transition de 5 ans est trop longue, veuillez s’il vous plaît sortir de l’émotion et arrêter de tirer des conclusions hâtives sans aucun fondement scientifique. La transition n’est pas une grossesse qui a un terme universel après lequel les élections doivent être accouchées. Donnez-nous des chiffres et des références sur votre évaluation qui vous permettent de conclure qu’en quelques mois, l’on peut bel et bien organiser des élections dans un pays d’1,2 millions de Km2 où plus de la moitié est occupée par des rebelles et où des centaines de milliers de personnes sont déplacées et les institutions de l’état totalement dissoutes et non opérationnelles.
Partagez avec nous ces données quantitatives: dites nous combien de temps ça prend pour reformer une constitution, pour recenser une population dans un pays en guerre, pour établir une commission électorale indépendante, pour réformer l’armée, la gendarmerie, la police, désarmer les rebelles, procéder à l’établissement d’une liste électorale inclusive. Dites nous combien de jours, semaines et mois chacunes de ces conditions pré-requises pour des élections libres et transparentes peuvent prendre dans un pays qui fait deux fois la taille de la France comme le Mali et revenez nous dire en quoi cinq années sont trop.
Loin de moi l’intention de justifier le délai établi par l’état Malien mais je dénonce cette façon de
décréter de trop peu ou de trop long cette décision de l’état Malien sans aucun examen approfondi du contexte politique et sécuritaire Malien et sans même avoir laissé au gouvernement Malien la possibilité d’expliquer et de démontrer comment il est arrivé à prendre cette décision.
Nous autres ne dénonçons pas le dictat de la CEDEAO et ses dictateurs pour le simple plaisir de le faire où parce que nous avons ce que vous les éternels rénégats appelez haine contre la France.
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Africaine Désabusée
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