Quand vous avez 12,13,14,15, 16 ans, imaginez toute la vie que vous avez devant vous pour choisir votre profession. Ceux qui peuvent dire déjà à cet âge, ce qu’ils poursuivront comme carrière dans les décennies qui suivront, sont peu nombreux.
Mais figurez-vous qu’avec le système éducatif colonial, c’est à cet âge que les enfants doivent prendre l’une décision les plus importantes de leur vie: c’est à dire, choisir une série qui déterminera le type d’études supérieures qu’ils peuvent poursuivre.
Je trouve l’existance des séries totalement ridicule et contraignante dans un monde qui aujourd’hui offre une versalité inouïe de spécialités de sorte que les gens peuvent poursuivre deux, trois, quatre différentes carrières simultanément où changer de profession à leur guise.
J’ai rencontré sous d’autres cieux, des ingénieurs qui sont devenus par la suite avocats, des avocats qui sont devenus médecins, des personnes ayant étudié la lettre qui se sont ensuite reconverties en ingénieurs informatiques, des musiciens qui ont poursuivi après l’architecture et j’en passe.
Dans le système colonial conçu pour former strictement les élèves et étudiants sur la base des besoins de l’administration coloniale, un enfant qui a 14 ans et qui choisit la seconde littéraire ne peut jamais au grand jamais, entrer un jour à l’école d’ingénieurs. Un enfant qui obtient son BAC en comptabilité ne peut jamais, au grand jamais entrer en faculté de médecine.
Ce que ce système extrêmement discriminatoire engendre, ce sont des adultes qui se retrouvent à faire des métiers qu’ils détestent et dans lesquels ils sont incapables d’exceller. Plus loin, cette ultra-spécialisation empêche le recyclage professionnel et les étudiants diplômés dans une filière donnée ne voient pas de porte de sortie et ne savent pas comment se réorienter quand ils n’arrivent pas à décrocher un emploi satisfaisant dans leur domaine d’étude.
Ce que je trouve encore plus déroutant, est qu’un sujet aussi important que l’éducation qui est le fondement même d’une nation ne semble pas du tout intéresser les politiques. Les “campagnes électorales” bidons auxquelles l’on assiste aussi bien du côté des despotes que de leurs adversaires n’abordent jamais le contenu de nos programmes scolaires qui démontre ainsi les limites même de nos systèmes politiques et institutions étatiques.
Le Togo a organisé plus d’une vingtaine de “dialogue” au cours des trente dernières années mais jamais, personne n’a jugé nécessaire d’asseoir les Togolais pour redéfinir les priorités de notre système scolaire et de comment former des citoyens suffisamment avertis et capables de résoudre les défis politiques, économiques et sociaux de nos pays. Même les leaders politiques qui sont des universitaires ne semblent pas se soucier de notre système scolaire archaïque. Les seules revendications dans ce secteur se limitent aux grèves des enseignants et des étudiants pour de maigres primes.
À cette heure ou l’internet a accentué la mondialisation, notre jeunesse est en compétition avec toute la planète. Vous avez des jeunes indiens qui depuis leur ordinateur travaillent pour des compagnies aux États-Unis, des jeunes australiens qui depuis Sydnée pour des compagnies en Arabie Saoudite et consort. Comment équiper nos jeunes pour qu’ils puissent exceller et se recycler dans ce monde de plus en plus décentralisé devrait être notre priorité.
Aux décideurs politiques, sachez que nous ne sommes plus à l’ère où se tenir devant une école de trois classes pour couper des rubans est un progrès à féliciter. Nous sommes à l’âge de la création de la valeur et nos écoles coloniales ne peuvent pas répondre à ces besoins. Nous avons la population la plus jeune de la planète: saisissons cette opportunité pour faire avancer ce continent et formant des jeunes qui peuvent créer, innover et transformer nos états en puissances.
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Africaine Désabusée