Le dilemme auquel “l’opposition togolaise “ fait face aujourd’hui: aller aux élections ou pas est le même auquel avait été confronté les leaders politiques Togolais durant la lutte pour les indépendances.
Quand le peuple Togolais s’était levé pour réclamer ses indépendances à la France, celle-ci s’est précipité de lui donner ce qu’elle appelait l’autonomie. Une autonomie laquelle pour certains leaders Togolais étaient déjà un acquis. Nicolas Grunitizky et ses amis dit les progressistes voulaient une continuité de la colonisation pour plusieurs raisons:
1- Eux, c’est à dire l’élite n’étaient pas les victimes directes de l’exploitation coloniale. Bien entendu ce n’était pas eux qui faisaient les travaux forcés dans les plantations et les mines.
2- L’autonomie leur donnait d’un côté une légitimité auprès des colons avec lesquels ils s’identifiaient d’ailleurs , et de l’autre côté un pouvoir qu’ils pouvaient exercer sur les locaux qu’ils considéraient comme des êtres grégaires, analphabètes et inférieurs.
3- Ils ne croyaient pas que le Togo pouvait se suffir. Comme le disait d’ailleurs Kofi Yamgnane l’un de ces progressistes dans un entretien: “l’on ne peut pas accorder l’indépendance à un pays incapable de fabriquer une allumette”. Ce que ces complexés coloniaux ne se sont pas demandés, est comment les Togolais faisaient le feu avant l’introduction de l’allumette par les européens. Kofi Yamgnane ne nous dira pas aujourd’hui, qu’il eu fallu l’arrivée des français pour que ses ancêtres à Bassar initient la danse du feu, un rite culturelle propre à cette ethnie.
Les progressistes ne voyaient pas le Togo capable de subsister sans la France. Et pour eux, il fallait faire des concessions à la métropole au risque de tout perdre. Bien entendu, cette donne était assez courante dans toutes les colonies africaines. Dans les francaises, les Senghor furent les précurseurs au Sénégal et les Bobigny en Côte d’Ivoire. Ces progressistes seront plus tard, ceux qui s’associeront à la France pour faire tomber tous les dirigeants nationalistes et indépendantistes en Afrique tel que Sylvanus Olympio au Togo ou encore Modibo Keita au Mali.
Pourquoi fais-je ce rappel historique? Parce que ce qui nous arrive aujourd’hui est la conséquence directe de cette histoire et de ces calculs politiques de nos prédécesseurs. Nous n’en serons pas là où nous sommes si d’aucuns avaient été moins égoïstes hier et que tous les Togolais s’étaient ralliés aux indépendantistes pour obtenir pas une indépendance de façade, mais une véritable libération de notre pays. D’autres pays l’ont fait et n’ont rien à regretter de leur choix.
Malheureusement, nous continuons depuis l’époque coloniale et post-coloniale a être divisés sur l’adoption d’une stratégie de libération. Pour les uns, l’on ne peut pas tout obtenir en même temps et il faille collaborer avec le régime despotique et obtenir petit à petit des concessions de celui ci car ce régime serait trop puissant pour tomber brusquement. De l’autre bord, il y a ceux qui comme moi pensent que la rupture totale sera certes pénible dans le court terme, mais demeure la seule option.
Quand nous clamons la traîtrise à chaque fois que des leaders de l’opposition choisissent de s’acoquiner avec le régime, c’est sans admettre une chose: ils nous rendent service. Oui ces personnes libèrent nos rangs car leur manque de foi, d’audace et de détermination sont nuisibles à notre objectif final et ce sont toujours eux qui nous retardent dans notre élan.
Ils diront que la politique de la chaise vide ne marche pas quand ils savent très bien que la chaise n’a jamais été vide. Il y a toujours eu un traître disponible à l’occuper.
Ils diront que les élections sont le seul moyen de mettre fin à la dictature quand ils savent très bien qu’ils n’ont aucun contrôle des institutions qui organisent et régentent ces élections.
Ils diront qu’à un moment donné il faut partager le pouvoir quand ils savent très bien que tout pouvoir non donné par le peuple qu’il soit partagé ou pas est un pouvoir illégitime. Quand vous partagez un butin volé, cela fait également de vous un voleur.
Ils diront que les soulèvements et les manifestations de rues n’ont jamais rien donné quand à chaque fois, ce sont eux qui ont mis fin à ces soulèvements pour aller négocier avec les prédateurs.
Ils diront que la communauté internationale appelle à des élections quand ils savent très bien que cette communauté est constituée d’autres despotes et impérialistes.
Et enfin, ils diront que le peuple n’est pas prêt à la révolution quand c’est bien eux qui ont peur de cette révolution qui leur fera perdre leurs maigres privilèges.
Quand on a de la dignité, on ne partage pas un repas préparé par son ennemi. Et cette dignité, la majeure partie de ceux qui se réclament comme opposants au Togo n’en ont jamais eu.
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Togolaise Désabusée