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L’on peut établir une interminable liste de maux que la colonisation a engendré au sein de notre société. L’un desquels nous parlons peu est la respectabilité liée à l’élitisme. Dans nos sociétés pré-coloniales, le respect s’octroie et se maintien de diverses manières. Dans certaines, il était établi par la fortune déterminé par le nombre de bétails, de bijoux ou de terres; chez d’autres il émanait de la lignée familiale ou clanique, de la profession et chez d’autres encore, il était établi sur des bases religieuses et spirituelles.
La colonisation a anéanti nos structures traditionnelles en nous imposant des normes et valeurs sociales hétérogènes à notre culture. Du jour au lendemain, la respectabilité s’octroie et se maintien sur la base de sa ressemblance et son allégeance à la culture coloniale. Plus on parle français ou anglais comme un blanc, plus on est respecté. Plus on est bardé des diplômes obtenus dans les écoles coloniales, plus on est respecté. Plus on s’habille comme le colon, se comporte comme le colon et réfléchit comme le colon, plus on est respecté.
Dans le but de gravir l’échelle sociale définie par les colonisateurs, nombreux africains ont fait d’énormes sacrifices et ils ont finalement mérité ces places, plutôt privilèges, au sein de la société colonisée. Aujourd’hui, ceux-ci vivent mal la décolonisation et on ne peut pas leur en vouloir. Ils ont peur de perdre les titres, privilèges et honneurs qu’eux et leurs parents ont beaucoup sacrifié pour obtenir. Ils deviennent ainsi les véritables défenseurs du système colonial, essayant vaille que vaille de nous prévenir du danger de se débarrasser de la culture coloniale, du savoir faire colonial, de la méthodologie coloniale. Ils sont paniqués car ils n’ont pas appris à être autre chose à part un produit colonial.
Ils vivent mal ce qu’ils voient comme une persécution du colon, ce qu’ils pensent est une haine envers eux autres qui ont réussit à ressembler aux colons. Ils ne réalisent pas (car n’ayant jamais questionné le système colonial ) que la décolonisation, la libération des peuples, se fait de façon sacrificielle. Nous devons tous accepter de perdre certains privilèges que nous avons acquis du système pré-établi. Nous devons accepter de nous défaire du féodalisme colonial, de la hiérarchisation de l’intellect et de la vertu. Nous devons désapprendre l’arrogance morale coloniale qui fait passer certains pour moins méritants du respect, de la dignité et de la liberté. Oui j’avoue: c’est un exercise pénible mais pas impossible. Nous devons pouvoir nous débarrasser de cette perversité qui nous fait clamer quand on est dos au mur: “ tu sais qui je suis” car nous ne sommes rien de plus, ni de moins que des humains. Nous sommes humains avec ou sans nos titres, avec ou sans nos fortunes acquises très souvent sur le dos de l’exploitation des autres.
L’être humain dans son égoïsme et sa fierté démesurée trouve difficile d’accepter qu’il est le fruit d’une succession d’injustices. Certains en sont les bénéficiaires et d’autres les perdants. Avoir bénéficié d’un système injuste, inégalitaire qui maintient les autres dans l’exploitation ne fait pas forcément de nous des mauvaises personnes: mais c’est le refus de reconnaître ses privilèges et le refus de s’en défaire afin que notre société soit plus juste et équitable qui fait de nous des personnes ignobles. L’on aurait pas besoin de charité si les richesses étaient équitablement accessibles et partagées.
Aujourd’hui, quand ceux qui sont vus comme les militants panafricanistes dénoncent l’élitisme, ceux là qui toute leur vie était fiers de s’identifier comme élites se sentent offensés et persécutés. Comment pouvez-vous vivre au sein d’une société où seule une minorité peut penser et décider pour les autres sans en être gênés et embarrassés? Le fait que le pouvoir que vous détenez ne vous perturbe point est la preuve de votre imposture. La colonisation nous a chosifié, voyant en nous les peuples colonisés des êtres trop sauvages pour réfléchir par nous mêmes et pour nous mêmes. Nos colonisateurs avaient besoin de nous déshumaniser pour se convaincre des bienfaits de leur exploitation car humains comme nous, ils sont également dotés de conscience et la seule façon de vivre avec la leur en commettant autant d’atrocités est d’y inventer leur utilité. Alors ils ont établi au sein de nos sociétés des nouvelles règles de respectabilité et nous ont mis en compétition les uns contre les autres pour gagner une place limitée d’intellectuel subalterne au sein de leur société artificielle construite uniquement pour nous: les sauvages!
Ceci est une invitation à ceux là qui se considèrent comme les élites de la société africaine, qui pensent être au dessus de la masse et se sentent menacés par la démystification du système colonial à reprendre procession de leur humanisme, à se décharger de cette responsabilité de penser pour nous, de décider pour nous et d’agir pour nous les peuples.
L’élitisme n’a pas sa place dans une société qui se veut libre et vos privilèges et égo fragiles finiront par s’écrouler car ils sont faits de sable et de pouvoirs imaginaires.
Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Africaine Désabusée!
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